(vus à la Maison du Japon le 7 juin 2025)
Wait and see (1998)
(Titre original ≈ Ça c’est le Printemps !)
Le film monte progressivement en puissance et la dernière partie se révèle la plus forte. La scène sur le théâtre du toit de l’hôpital. Entre le père, ses potes clochards, son fils et la lumière du soir. S S et les lignes de vie : la durée toujours. Ce qui se déploie dans tous les types de durées, longues ou courtes : les poussins couvés par le père mort et découvert sur son cadavre à l’hôpital est un grand moment de cinéma, même pour les acteurs. Comme je l’avais écrit à propos de Jardin d’été, la figure du « revenir sur ses pas » éclaire peut être plus généralement quelque chose de la démarchede Somai. Le temps va aussi dans l’autre sens ou on peut virevolter, choisir de se mettre dans les plis du temps, y ouvrir des creux pour y loger des moments de vie et toucher quelque chose de la nature des choses. Le père qui n’est pas ou peut-être pas un père (la mère ment, hésite, joue avec l’idée de la paternité), ce clochard doublé du cinéaste qui remue sa famille d’accueil, toujours d’accueil.
Les poules du début, des œufs puis après des poussins qui meurent noyés, mis dans le feu par le père, qui sait que la nature se renouvelle et que c’est comme ça. Puis ils renaîtront en œuf, puis l’homme les couvera.
La toute fin de la jetée des cendres, avec ces deux bateaux où il n’y a que des femmes, sauf le fils, dans le grand vent, avec les cendres qui leur reviennent dessus, et la chute du fils poussé par sa femme et figé par l’arrêt sur image. L’arrêt sur image de la fin des Somai qui ne peut que s’arrêter là en figeant ce qui ne peut que continuer à bouger.
La clochardisation guette le fils. Il a beau dire à sa femme que la faillite est arrivée vite, on sait qu’elle a été progressive et qu’il l’a délibérément ignorée, tout comme il ne voulait pas voir ce père, poids embarrassant. La petite entreprise de la mère, personnage étonnant, très sûre d’elle. Belle séquence où elle discute avec son fils et sort brusquement parler à un chauffeur routier pour lui dire de partir, puis une averse et elle emmène son fils à l’abri sur le seuil. Le tout dans la continuité.
Moins de poses dans ce film, quelque chose de plus apaisé et intégré. SS n’a plus à faire ses preuves mais simplement déployer de l’intérieur ses tropes : des positions du corps, des liaisons intra scènes. Quelques accès de violence quand le groupe de clochards se fait brutaliser par un mec en costume, prototype du facho, les frappe avec son parapluie.


Kazahana (2001)
(Son dernier film)
Splendide dernier film de Somai. Comédie romantique qui relève the Terrible couple de sa noirceur. Moins de plans longs, mais du temps quand même. L’action avance avec de multiples flash back, de plus en plus loin dans le passé. Alcoolisme. Séjour dans la montagne à la Passe Montagne, avec l’hôtel perdu, les mecs villageois sans femme, le spectacle théâtrale qui remet du jeu. La fin splendide, dans la neige, suicide de l’héroïne portée et réchauffée tout du long par Lui. Il la frotte frotte, lui parle. Beau moment où il la touche, se demande si elle est morte, lui prend le poignet, attend, le repose, la laisse. Et nous devant l’ambiguïté de la mort qui ne tient à rien. Le temps d’espérer et de guetter.
La voiture rose bonbon incongrue. Les belles scènes de souvenir qui durent toujours un peu plus longtemps qu’attendu. Séquence de flash sous la pluie où on voit le mari en train de raccompagner une dame dans sa voiture, elle coiffée comme une sorte de Shirley MacLaine, elle lui révèle qu’elle attend un enfant.
Autre séquence sur eux deux devant une petite rivière où flottent des bougies.
Et le début où la caméra descend longuement sur un immense cerisier en fleurs. Je me suis dit que Somai filmait rarement des images « voilées » dans l’entr croisement des arbres ou autres. Là, la branche fait écran jusqu’au bout, lorsuqu’on decouvre le couple deshabillé au milieu de fleurs et d’ordures (les fleurs reviendront lors du spectacle à l’hôtel des montagnes).
Toujours les lignes de temps.
Et ce qui constitue bien peut être une thématique : le retour sur ses pas. Il faut toujours un détour pour revenir sur ses pas. Comme si le retour arrière n’était possible qu’avec une rampe de lancement qui devait passer par un détour. Ici, l’héroïne revient deux fois retrouver sa fille. Et à la fin, l’homme en voiture semble avoir disparu. Il revient en arrière dans la voiture, observe, reavance, s’arrête, observe et ça coupe avant que tout redémarre. La coupe « quelconque » qui n’implique jamais de conclusion, d’achèvement mais un « on s’arrête là » pour aujourd’hui.



